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en ordre chronologique inverse de publication

L’Attente
Affres et délices

L’instrument du bonheur,
ce merveilleux appareil
à combler manques et vides,
à relier les êtres, voire les attacher
avec ou sans fils. Je décroche.

« Allô ? Ah ! tu n’es pas là !
Rappelle-moi à ton retour, s’il te plaît.
À bientôt, bisou. »

Et me voilà en attente.

Tout ce qu’il me reste à faire
et tout ce que je pourrai faire
tient en ce seul mot “attendre”.

De maintenant, tout ce que je ferai
contiendra une part d’attente.
De maintenant jusqu’à...
l’attention s’absente et l’attente augmente.

Je l’ai sollicitée, elle s’est invitée,
mobilise mes pensées,
résonne partout dans mon corps,
crée des vagues d’interférences.

Les idées s’entrechoquent,
les sujets s’entrecroisent.
La raison n’en peut venir à bout.
À la croisée des sens,
ton visage s’éclaire
et volète en tous sens.

La belle soirée qui se dessine pour nous deux !
Aller au ciné, oui mais quel film choisir ?
Tiens, où est passé l’Officiel ?

Si j’avais été malin,
j’aurais acheté de quoi faire une raclette.
C’est facile et c’est bon ça, une raclette,
avec un petit vin blanc frais.

Eh bien, voilà ! J’ai les pommes de terre,
une salade verte, il manque...
je descends acheter fromage et charcuterie.

Mais non, si elle appelait pendant ce temps-là ?
Surtout ne pas s’éloigner de ce téléphone !
Est-ce qu’il fonctionne au moins ?

Ça sonne justement...
« Un rendez-vous ?... Qui demandez-vous ?...
Le docteur Binocle ? Non ce n’est pas ici...
Oui, vous êtes bien au numéro que vous avez demandé !
Mais non je n’ai pas son numéro. »

Vite interroger le répondeur
qui a sûrement enregistré un message
pendant l’occupation de la ligne.
« Vous n’avez aucun nouv... Tuut, tuut »
... Non, rien.

Et si nous allions au restaurant ?
Ah non, pas la pizzeria cette fois,
plutôt la petite brasserie
aux jolies couleurs pimpantes,
ambiance douce et détendue.
Et puis la patronne nous aime bien.

Ce n’est pas tout, j’ai du travail, moi.
Allez, je m’y mets. J’ouvre le fichier,
l’arrangement de cette musique
entre blues et bossa nova.
Un gros morceau à achever...
Trop difficile de reprendre à ce moment,
dans la sensation d’un temps limité devant moi.

Un peu de lecture m’apaisera.
Justement mon livre en cours est très calme.

Je ferme l’ordi... Stop !
Le signal retentit qui annonce l’arrivée d’un courriel.
Et oui, c’est ça, tu m’as envoyé un mot,
ce message qui arrive à point nommé, c’est tout toi.
Voyons... du spam, de la pub, et rien de toi !

Qu’il est bon de s’asseoir dans son canapé,
un bouquin sur les genoux !
Lumière tamisée, musique réduite au silence,
pas question de faire deux choses à la fois,
apprécier pleinement la lecture,
s’immerger dans le texte...

...

Sans penser à toi, ça, c’est impossible !

...

Dring !...

« Allô... Oh bonsoir toi !... Quelle joie !
Ben, je lisais tranquillement, détendu !...
Ce que je fais ce soir ?... Rien et toi ?... Ah !...
Ben, non... Oui, oui...
Bonne soirée, bonne nuit...
Je t’embrasse, au revoir. »
Tuut, tuut.

Le 3 mars 2008
Christian Hugues