Des maux des sens
aux sens des mots
Ils se posent sur du papier, ils s’affichent sur un écran ; la page tournée, le livre fermé ; le site abandonné, l’écran éteint ; on passe à autre chose.
Dans le livre fermé, sur l’écran éteint, la page où les mots reposent est plongée dans une obscurité absolue. Encre noire sur fond noir, invisibles, ils sont toujours là pourtant, leurs reliefs estompés, leurs couleurs incolores, et pourtant prêts et prompts à sauter aux yeux.
Que le livre s’ouvre, que la page se tourne et que la lumière descende dessus ; que l’écran s’allume, que le site jaillisse, que la page s’ouvre et que la lumière la traverse de l’arrière.
Et les mots s’animent, s’envolent. Encore vagues formes et bizarres dessins, encore simples traits en noir ou en couleurs, ils se laissent capturer d’un regard, circulent dans ce dédale qui les conduit là où, de formes, dessins et traits certes esthétiques, là où débrouillés, décodés, décryptés par le grand ordonnateur, ils prennent sens.
Alors leur vraie vie commence.
Que les mots chantent l’amour ou qu’ils braillent la haine, les mêmes lettres les composent, la même encre les fait exister.
D’abstraction subtile, d’intellect immatériel, de symbolique mystérieuse, les lettres, l’assemblage des lettres, les mots, l’assemblage des mots enfin chargés de sens émoustillent les sens. Éclate un feu d’artifice de formes et de couleurs, de parfums envoûtants, de sons cristallins, de goûts subtils et d’agaçants ou sublimes frémissements des peaux.
De sens en sensations, de mental en corporel, l’effet se propage à tout le corps qui ressent maintenant la présence des personnages, lesquels ont pénétré ce corps, l’influence de leur environnement, lequel baigne ce corps, les sentiments vécus, lesquels vibrent dans ce corps.
Les bienfaisants, les douloureux, tous touchent, remuent, bouleversent, muent ce corps de simple récepteur en producteur vivant de sentiments.
Les bienfaisants offrent leur tapis volant pour un voyage dans le bleu, au-dessus du gris, dans l’air pur des hauteurs. Les douloureux donnent à résonner aux maux sans risque d’effet secondaire. Bienfaisants et douloureux tendent leur miroir indulgent où le lecteur découvre, apprécie, revit ses propres sentiments, les laisse l’investir, les démêle, et en sort grandi.
Et si les maux te mettent en fuite,
et si le bonheur te fait peur,
laisse-toi prendre par les mots,
laisse-toi prendre par les sens,
accepte qu’ils t’ouvrent la voie,
souffre qu’ils t’apprennent la vie.
Le 11 septembre 2009