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en ordre chronologique inverse de publication

Tchic-tchic à la tchac-tchac

Gégé (tout seul) : Si j’ l’attrape, j’ le tue, c’t’enfant d’ sa mère. La tête j’y éclat’ contr’ le mur.
Kiki (il arrive) : Oooh Gégé ! Ça va ? Y a longtemps, j’ t’ai pas vu !
G : Oh toi, Kiki, enlèv’-toi d’ mon rogard ou j’ te tue. Comme un paquet d’Astra, j’ vais t’ faire la tête.
K : Aye quell’ misère ! Qu’esse qui m’ veut çui-là encore. T’y es fou ou quoi ? Des varices y t’ai venu dans la tête ? Rien qu’ les gros mots à la bouche, y te vient aujourd’hui !
G : Et en plus t’y insultes ! Rogard’ d’abord qu’ tu m’as tapé la fiancée, ouais.
K : Comment, c’ t’à moi qu’ tu dis ça ? Moi qu’ j’ te prête toujours la pastéra pour qu’ tu wouas pêcher les girelles, même qu’à tire larigot t’y en ramènes.
G : Ouais, c’est touss qui m’ont dit. Alors...
K : Quoi, quoi, qu’esse qu’y t’ont dit ?
G : Quoi mieux qu’ ça, avec ma fiancée y t’ont vu au coin d’ la rue Bab-Azoun.
K : Crache !
G (en crachant) : J’ te jure !
K : Pouah, qué crachat d’ poitrinaire ! Pas possib’, tu sors du sana toi !
G : Moi d’un sana ? Tu wouas ouar c’ que j’ vais t’ faire, ouais. Et pi mieux qu’ t’y essayes pas d’ mentir, j’ te connais comme si qu’ c’est moi qu’ j’ t’avais fait, alors...
K : Moi, j’ m’en voudrais qu’ c’est toi qui m’as fait.
G : Pourquoi, tu wouas m’ dire à moi qu’ j’ suis pas beau ou quoi ? Moi qu’ rien qu’elles me voient, les filles ell’ m’appellent Jônny Hôlliday.
K : Quasimodo ouais, qué Jônny !
G : Ouuh...! Kiki, n’aggrav’ pas ton cas si tu tiens à ta peau, hein !
K : Quoi, tu crois qu’ c’est toi qu’ tu wouas m’ faire peur. La vie d’ ma mère, t’y as oublié d’ mettre le chapeau ce matin ? Le soleil y t’a tapé sur la gargoulette ou quoi ?
G : Non, j’ suis pas fou. Mêm’ qu’ si t’y es un homme, on va aller s’ battr’ tous les deux tout d’ suite maint’nant.
K : C’est pas pass’ que t’y a été ouar Eddie Constantine au Rialto qu’ tu wouas jouer les casseurs. Quoi, on a toujours été copains, non ?
G : Ouais, dis qu’ t’y as peur, ouais !
K : Aye, moi j’ai peur ? Tu ouas pas qu’ si j’ te mets un’ botcha, le mur y t’en donne une autre.
G : Tu ouas t’t’ à l’heure, tu dis qu’ j’ me prends pour Eddie Constantine et maintenant, woulllah, tu veux fair’ comm’ Jônn Wayne.
K : Écoute, j’ te dis, laiss’ Jônn Wayne tranquille. Toi t’y a d’ la veine d’êt’ mon copain, alors j’ vais pas t’ taper, non.
G : Qu’esse tu veux pas aussi qu’on s’ batte à l’épée, non ? T’sais pas qu’à moi, si je meurs, ma mère ell’ me tue.
K : Mais non, c’est pas ça qu’ j’ te dis. Mieux, au lieu qu’on s’ tape dessus, on s’ tape un’ partie d’ tchic-tchic tranquille et pi, çui-là là qui gagne, eh bein, y s’attrape la fiancée.
G : D’accord ! Tout’ façons, t’ sais, ça ou aut’ chose, c’est moi que j’ vais gagner alors...
K : Popopopopo ! On va ouar. T’y as les tchic-tchic, toi ?
G : Ouais, j’ les ai, mêm’ que t’t’ à l’heure, à Zézé, j’y ai gagné l’anisette. T’ sais, Zézé, le frère à çui qu’ son père il est rempailleur des chaises.
K : Ouais.
G : Alors, tu ouas avec qui tu joues un peu !
K : Fais pas l’ fanfaron woua, tu wouas ouar la tannée qu’ tu wouas prendre.
G : Allez, viens Kiki, j’ te prends en trois manches.
K : À toi l’honneur Gégé puisque t’y es l’offensé.
G : Offensé toi-même, ouais... 9 ! Tu ouas déjà, fais mieux toi et j’ te paye des figues !
K : Douc’ment, t’énerv’ pas, allez, poil dans l’œuf. Donn’-moi les tchic-tchic woua... 10 ! Tu ouas !
G : Qu’esse, pour un point qu’ tu m’ bats. Hé ! Attends, c’est pas fini... 8. À toi !
K : À moi... 5. T’y as gagné.
G : Tu ouas, déjà qu’ la chance ell’ me vient alors.
K : Oh lala, çui-là, rien qu’y discute. Total, on a mêm’ pas fini d’ jouer encore. Comme l’aut’ jour, j’ vais faire des commissions à ma mère, y avait un’ femme, devant moi elle était, le Bon Dieu y m’ crève les deux yeux si j’ mens, une heur’ qu’elle est restée... Rien qu’ marchande et blague...
G : Oh, Kiki, oh ! Tu joues au tchic-tchic oulla tu racont’ ta vie ?
K : Ça va, oualà, j’ t’ les donne...
G : Bon et maint’nant, enttention, çui-là là qui gagne, eh bein... y gagne... 4 ! Oymon ! alors là ça commenc’ bien, ouais ! Mais ch’ Allah qu’ mêm’ pas un point y te vient !
K : Ah, écoute, port’ pas la chkoumoune, woua ! Qu’ess’ tu t’ frottes les mains... Regar’... 12 !
G : Ouais, pass’ que tu triches, ouais !
K : Aye, Madone, moi, je triche ?
G : Ouais, ouais, espèc’ de calamar, rien qu’ tu triches. Kiki le voleur, Kiki le tricheur...
K : Enttention, hein. T’amuse pas à ça avec moi, hein, ou alors maint’nant ça va aller mal pour tes oss, hein.
G : Ouais, tu fais comm’ Jacques Charrier dans l’ film, rien qu’y trichait alors y l’ont app’lé le tricheur.
K : Laisse tomber, t’y as rien compris !
G : Qu’esse, à moi, tu veux m’ faire prendre les vessies pour des lanternes ou quoi ?
K : Qué Madone de plouc, çui-là ! D’abord, mêm’ pas parler français tu sais, après, j’ te dis qu’ tu comprends rien, pass’ que c’est pas au tchic-tchic qu’y trichait, c’est à l’amour ! Abruti, woua !...
G : Et c’est kif-kif...
K : Kif-kif ? Aoua ! tu wouas pas comparer l’amour et le tchic-tchic, toi ?
G : Et alors et si j’ veux moi, qu’esse ça t’ rogar’ à toi ?
K : Aye, mamma mia, depuis qu’ t’y as perdu la fiancée, t’y a perdu la tête avec, ma parole.
G : Qu’esse qu’ell’ t’a fait ma tête ? Et pi qu’esse tu crois qu’ ma comprenance elle est partie ou quoi ? Où tu ouas toi ?
K : Et pi d’abord, maint’nant Babette, c’est moi qu’ je l’ai !
G : Babette, Babette ! Et qui c’est cell’-là cett’ Babette ? Alors en plus d’ ma fiancée, t’y as Babette ? Y te vient les yeux plus gros qu’ le ventre à toi ! Alors, laiss’-moi Danielle.
K : Qué, Danielle, qué ?...
G : Et ouais, ma fiancée.
K : Ta fiancée ?
G : Ouais ! Cell’ qu’elle est blond’ naturelle, qu’ son père y vend du poisson... Son frère y travaille au garage en face chez Lulu.
K : Ah ouais, j’ la connais, cell’ qu’ell’ fait dactylo à Stora chez Tamzali, la fabriqu’ des boît’ à sardines.
G : Ouais, oualà !
K : Ah, Gégé, t’ sais c’ que c’est qu’ les copains, la fiancée c’est sacré, hein.
G : Alors, t’y en as qu’une ?
K : Ouais !
G : Et c’est Babette ?
K : Ouais !
G : Et d’oùss qu’ell’ sort cett’ Babette-là ?
K : Ah parl’ pas mal d’ Babette, hein !
G : Bon d’accord, ça oua, ça oua...
K : Et pi, tu dois la connaître. Elle est brune, elle travaille coiffeuse en face le café où y z’ont l’ baby-foot ET l’ juke-box.
G : Ah ouais, son père il aiguise les couteaux. Mêm’ qu’on l’oua partout qu’y march’ à vélo sur la bicyclette.
K : Et ouais, alors tu ouas qu’ j’ t’ai pas tapé la fiancée.
G : Aoua, c’est toujours à moi qu’ell’ z’arrivent ces choses-là. Tu ouas un peu la langu’ qu’y z’ont. Mais laiss’ qu’ j’attrape ceux-là qu’y s’ sont moqués d’ moi, comm’ des stockafishs j’ les laisse, ma parol’ d’honneur.
K : Laiss’ tomber qu’esse tu ouas leur faire ? T’ fais pas d’ mauvais sang. Allez viens, j’ te paye l’anisette, woua !

Publié le 28 juillet 2008
Christian Hugues

Sketch écrit et joué avec un Algérois au théâtre du
Sanatorium des lycéens et collégiens (SLC)
à Neufmoutiers-en-Brie, 1962


Quelques commentaires

Oualà, c’est tout !